Projets Ethiopie

Ethiopie

Génèse

   « De longue heures de route à travers des paysages désertiques, avec comme objectif l’immense lac salé rempli d’eau en ce moment grâce à la pluie des jours précédents, un peu plus haut. Dix centimètres d’eau partout au dessus de la croûte de sel et des reflets du coucher de soleil près d’un ponton en bois de quatre kilomètres.
Le soir nous dormons dans un village, camp militaire, près de la frontière avec l’Erythrée. Les deux pays ont des relations assez tendues depuis des décennies. Milices, prises d’otages et touristes tués il y a quelques années. Pour ces raisons, nous sommes accompagnés par des hommes armés.
Avant, il y avait l’Abyssinie.  L’Ethiopie et l’Erythrée formaient un seul et même territoire avec un accès à la mer. C’est désormais Djibouti qui sert de port d’approvisionnement à l’Ethiopie.
Cette nuit est passée sur des lits de fortune tressés et surélevés, une pluie fine sur le visage et le ronflement d’une voisine.
Le lendemain, samedi 7 mai 2016, nous partons très tôt pour le Dallol, lieu irréel digne d’un film de science-fiction. Les couleurs explosent, rouge, jaune, vert, orange. Ca boue, ca pête, il fait chaud et l’odeur du souffre est intenable sans se couvrir le visage. Cette concentration volcanique n’est pas grande, une petit île au milieu du lac.
Sur le retour, j’apercois des caravanes de chameaux. Les hommes Afar taillent des blocs de sel en plein soleil, par quarante degrès, pour ensuite les mener jusqu’à Mekele, à environ cinq jours de marche, pour ne gagner qu’une misère en les vendant au marché. »

   « La route est splendide, plus je monte plus les horizons sont beaux. Il fait chaud, je transpire. Je ne croise pas plus de quatre personnes sur les sept heures de marche.
Le premier petit bourg, pas loin du sommet, des enfants curieux. Je leur demande un peu d’eau. La sœur ainée, belle et sauvage m’invite dans leur «maison case». Quelle leçon d’hospitalité, ils me donnent des sourires, à manger et à boire, et ne veulent rien en retour. Je reste presqu’une heure avec la famille, enfants, papa, maman, mamie!
Du coup j’improvise une session photo. Pas facile de convaincre, timidité, peur de l’appareil. Tout le monde finit par se prêter au jeu, même la grande sœur, la plus craintive en vue de l’objectif. Je prends des photos de groupe, avec ou sans retardateur, de belles photos de la mamie.
Avant de les quitter pour continuer ma route, je promets de leurs ramener ces photos imprimées le jour ou je repasserai dans ce coin perdu. »

  « L’étonnante beauté des choses qui nous entourent, des rencontres. Protégé, béni des dieux.
Nous sommes le dimanche de Pâques, et je me trouve au monastère de Gishen Mariam, un des lieux les plus sacrés d’Ethiopie, perché à trois mille mètres d’altitude. La montagne imagine un plateau en forme de croix, pas très grand, environ cinq cents habitants.
Parti de Dessié ce matin à sept heures, cela n’a pas été évident de motiver quelqu’un pour m’amener dans cette vallée. Nous avons longé le lit d’une rivière pas encore rempli par l’eau de pluie, bientôt, dans quelques jours. Après deux heures de trajet mouvementé dans des cadres à couper le souffle, nous arrivons à un croisement. Continuer tout droit ou tourner à droite sur une route défoncée ? Je demande au jeune de me laisser là, je continuerai le reste à pied. Il me répond  «Ok ! You want» avant de s’éloigner et de me laisser là, seul, au milieu de nulle part, en plein soleil. Une vingtaine de kilomètres à grimper, tourner, longer des  flancs de montagne. La pente est parfois douce, parfois raide, mon souffle s’accélère, profond.
Je continue mon chemin, de plus en plus difficile. Puis, j’apercois enfin la croix de l’entrée. Quelle vue à 360 degrès. C’est indescriptible, des vallées, des sommets, verts, secs, des nuages, le lit de la rivière loin en bas après cette longue ascension.
Le village est atypique, isolé là-haut, l’ambiance y est calme, sacrée, il pleuviote puis ça s’arrête.
Je fais le tour, puis me perds dans de petites ruelles en terre, et je m’imagine camper dehors, au bout du village, sur une sorte d’étendue immense aux côtés abruptes, entourée par les horizons. Une église au loin près de laquelle je compte m’abriter.
Mais avant, je reviens vers la place centrale avant la tombée de la nuit, pour y trouver de l’eau. Là, un petit groupe m’invite à me joindre à eux devant une case, une immense marmitte sur le feu, à même le sol.
Quel accueil! Moi, débarquant avec mon petit sac et mon chapeau. Je passe la soirée avec des gens en or. Fesseha me fait faire une visite des églises dans la pénombre. L’une d’entre elles renfermerait un morceau de la croix du Christ, d’où le fameux pèlerinage en ce lieu magique chaque année en septembre. »

Extraits de carnet de voyage, Jeff Le Cardiet, mai 2016